La presse internet et spécialisée s’est gargarisée de ce que la Cour de cassation a jugé, par un arrêt n°344 du 10 avril 2013[1], que des propos tenus sur Facebook (ou sur d’autres réseaux sociaux) n’auraient pas de caractère public et ne pourraient par conséquent pas être constitutifs de diffamation ou d’injure publique.
Il me paraît utile de revenir sur cette décision et notamment sur sa motivation pour l’expliciter un peu mieux.
La Cour nous indique, je cite : « que les propos litigieux avaient été diffusés sur les comptes ouverts par Mme Y… tant sur le site Facebook que sur le site MSN, lesquels n’étaient en l’espèce accessibles qu’aux seules personnes agréées par l’intéressée, en nombre très restreint, la cour d’appel a retenu, par un motif adopté exempt de caractère hypothétique, que celles ci formaient une communauté d’intérêts ; qu’elle en a exactement déduit que ces propos ne constituaient pas des injures publiques ; que le moyen n’est pas touché en ses quatres[2] premières branches » ; fin de citation.
Pour traduire cette motivation qui semble pourtant claire, il convient de d’attirer l’attention du lecteur sur le soin que la Cour de cassation apporte pour souligner qu’elle laisse aux juges du fond l’opportunité d’apprécier les faits.
En effet, la Cour de cassation indique que la Cour d’appel a apprécié le caractère privé des comptes Facebook et MSN de l’auteur des propos litigieux par un « motif adopté exempt de caractère hypothétique ».
Autrement dit : c’est à la Cour d’appel seule qu’il appartient de déterminer si un nombre plus ou moins important de personnes agréées par l’auteur sur une liste d’amis Facebook ou MSN permet d’indiquer s’il y a communauté d’intérêts entre ces « amis » Facebook ou MSN.
Et s’il y a communauté d’intérêts, nous ne sommes plus dans le cadre d’une communication publique (ndla : excusez la redondance) mais dans le cadre d’une correspondance privée.
Et, par conséquent, les qualifications de diffamation ou d’injure publique ne peuvent pas être retenues puisque les propos en cause ne sont pas publics mais bien privés.
On soulignera également que la Cour de cassation retient que « en statuant ainsi sans rechercher, comme il lui incombait de le faire, si les propos litigieux pouvaient être qualifiés d’injures non publiques, la cour d’appel a violé par refus d’application le texte susvisé »
Autrement dit lorsque Mme Y… se permet de qualifier de « chieuses » ses directrices, il se pourrait qu’elle commette, à défaut d’injure publique, une injure non publique et il appartenait alors à la Cour d’appel de le déterminer.
En l’espèce, la Cour d’appel s’est contentée d’écarter l’injure publique sans chercher à savoir si l’injure non publique avait été commise, et c’est sur ce dernier point que la Cour de cassation vient invalider la décision de la Cour d’appel.
La suite de la petite histoire nous sera donnée par la Cour d’appel de Versailles, cour d’appel de renvoi, afin de savoir si oui ou non il y avait injure non publique dans les propos de Mme Y… à l’encontre de ses directrices.